Témoignage : Guillaume Bécard, Directeur de laboratoire au CNRS / Paul Sabatier
Guillaume Bécard, professeur de biologie à l’Université Paul Sabatier de Toulouse et Responsable d’une équipe de recherche au LRSV (Laboratoire de Recherche en Sciences Végétales de l’UPS / CNRS), nous parle de l’importance de la biodiversité des sols en agriculture.
Le sol, avant tout une matière vivante
Ces cinquante dernières années, l’agriculture a totalement ignoré la composante biologique des sols. Les agronomes se sont concentrés sur leurs propriétés physico-chimiques, sur les réactions à tel ou tel intrant. Or, un sol c’est avant tout une matière vivante, où l’on peut trouver un à deux milliards de bactéries dans l’équivalent d’un dé à coudre, ou encore plusieurs centaines de milliers de cellules fongiques, des milliers de cellules d’algues ou de protozaires…
Pendant 400 millions d’années, à partir de ces micro-organismes, la nature a produit des mécanismes naturels pour faire croître les plantes, bien avant qu’on songe à créer des engrais chimiques. Notre laboratoire [...] travaille à étudier, réhabiliter et exploiter ces systèmes naturels, avec notamment des travaux de recherche sur les champignons symbiotiques. L’objectif est de contribuer à une meilleure nutrition minérale et hydrique des plantes, en réduisant l’utilisation d’engrais azotés et phosphatés, et en limitant l’irrigation.
Les enjeux sont considérables, tant sur le plan économique qu’environnemental. Ainsi, le phosphate, essentiel à l’agriculture, constitue un élément en voie de raréfaction avec des réserves de seulement quelques dizaines d’années, les projections variant selon les spécialistes. L’azote, tout aussi essentiel, est quant à lui disponible en quantité illimitée puisqu’il constitue 70 % de l’air que nous respirons. Mais son processus de production en engrais azoté est extrêmement coûteux. D’abord au sens premier puisqu’il est très fortement énergivore et indexé sur le coût du gaz, et donc de plus en cher. Cela conduit en certains points du globe, en Inde par exemple, à un recul de son utilisation et à des rendements en baisse. L’engrais azoté connaît par ailleurs des déperditions, soit par lessivage vers les cours d’eau et les nappes phréatiques, soit par retour à l’état gazeux, avec un passage par le stade intermédiaire du protoxyde d’azote, lequel est 300 fois plus générateur de gaz à effet de serre que le CO2… Dans les deux cas, le coût est très élevé, pour l’agriculteur comme pour l’environnement.
Dans ce contexte, un système naturel [...] qui permet la croissance de la plante avec moins d’engrais azoté chimique tout en limitant les déperditions d’azote déjà présent et les risques de lessivage constitue une avancée intéressante.»