Zoom sur les bactéries solubilisatrices de phosphore

Zoom sur les bactéries solubilisatrices de phosphore

Le sol dispose d’une réserve importante en phosphore : environ 1,2 g de phosphore par kg de sol dans la lithosphère (enveloppe terrestre de la surface de la Terre). Pour autant, ce dernier n’est pas forcément présent sous une forme disponible pour la plante. Tout comme pour les bactéries fixatrices d’azote,  il existe ainsi des bactéries capables d’aider à la mise à disposition de phosphore soluble pour la plante. Mais qui sont-elles vraiment, comment fonctionnent-elles et comment peut-on les utiliser en tant que biofertilisant ?

Le phosphore dans le sol

Le phosphore, avec l’azote et le potassium, fait partie des trois éléments nutritifs majeurs pour la croissance des végétaux. Il est impliqué dans les premiers stades de développement de la plante, joue un rôle primordial dans la croissance racinaire, dans la rigidité des tissus, ou encore dans la formation des inflorescences et des fruits. Il est aussi essentiel dans la synthèse de la matière vivante végétale qui permet aux plantes de se nourrir, et dans la résistance au froid et aux maladies.

Malgré sa teneur relativement importante dans le sol, tout le phosphore n’est pas présent sous une forme biodisponible pour les racines. En effet, les plantes sont uniquement capables d’assimiler les phosphore sous ses formes H2PO4- et HPO42- (ions phosphates).

 

Tout le phosphore présent dans le sol n’est pas disponible pour les plantes

 

Dans notre environnement, le phosphore se retrouve sous deux formes majeures :

- Le phosphore inorganique (Pi) : il est majoritairement complexé avec d’autres minéraux dans le sol : avec le fer (Fe) et aluminium (Al) en sol acide, avec le calcium (Ca) et le magnésium (Mg) en sol basique.

- Le phosphore organique (Po) : il est en grande partie immobilisé dans la matière organique, les résidus de décomposition, etc., sous forme de monoesters orthophosphatés (inositols, jusqu’à 90 % du phosphore organique) ou de phytates (16 à 38 % du phosphore organique).

 

Cette réserve naturelle non disponible ne permet donc pas de couvrir pleinement les besoins en phosphore des plantes. Pour éviter les carences, des apports d’engrais phosphatés peuvent alors être recommandés. Mais selon sa forme et sa méthode d’application, 75 à 90 % du phosphore contenu dans les engrais peut être instantanément immobilisé par les différents constituants du sol, et ne profitent ainsi pas à la culture en place.

 

Les bactéries aidant à l’assimilation du phosphore

C’est à ce stade qu’entrent en jeu les micro-organismes du sol. Il existe en effet deux types de bactéries permettant de transformer le phosphore peu mobile et non biodisponible du sol (présent notament sous forme PO4 dans des sols à pH inférieurs à 6 ou supérieurs à 7) en phosphore disponible sous forme H2PO4- et HPO42- assimilable par la plante.

 

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- Les bactéries solubilisatrices du phosphore inorganique :

Appartenant aux genres Bacillus, Pseudomonas, Burkholderia, Micrococcus, Flavobacterium, etc., ces bactéries sont capables de libérer le phosphore inorganique complexé aux minéraux dans le sol (Ca, Mg, Fe, Al, etc.). Cette réaction se fait grâce à la production d’acides organiques par les bactéries : acide malique, acide oxalique, acide lactique, etc.

Autour de la bactérie, et donc à proximité des racines, le pH va légèrement diminuer. Or à pH plus acide, les formes de phosphate inorganique complexées se solubilisent. Les ions phosphates deviennent alors disponibles pour les racines des plantes.

 

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Ci-dessous 3 boites de pétri contenant des bactéries solubilisatrices de phosphore inorganique. Le halo autour de la bactérie indique la solubilisation du phosphore inorganique.

 

- Les bactéries qui minéralisent le phosphore organique :

D’autres types de bactéries peuvent agir sur la mise à disposition du phosphore organique majoritairement immobilisé sous forme de phytates. Ces molécules contiennent des ions phosphates mais elles sont liés à d’autres atomes complexes, et sont donc piégés. Des bactéries comme Rhizobium, Enterbacter, Serratia, Citrobacter, Proteus, Klebsiella, Pseudomonas, ou encore Bacillus, sont capables de produire des enzymes appelées phytases. Ces enzymes vont permettre de libérer les ions phosphates à partir des phytates, et seront ainsi disponibles pour les racines des plantes.

 

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Le halo autour des bactéries indiquent une solubilisation des phosphores organiques par libération de phytases

 

Pourquoi utiliser ces bactéries en tant que biofertilisants ?

Au vue de leurs propriétés, les bactéries qui solubilisent et minéralisent le phosphore ont un intérêt majeur dans le cadre d’une fertilisation agricole. En effet, une fois introduites dans le sol, elles peuvent tirer parti des réserves en phosphore présentes dans le milieu, en grande parties indisponibles, pour les rendre disponible pour les plantes. Pour cela, elles solubilisent et minéralisent le phosphore inorganique et organique, et permettent ainsi de libérer des phosphates solubles aux racines.

 

Ces bactéries se trouvent de manière naturelle dans de nombreux types de sol, mais l’intérêt d’un biofertilisant est de pouvoir utiliser ces bactéries en les introduisant sur une parcelle en plus grand nombre, pour un effet plus marqué. Leur action entraîne un renforcement des systèmes racinaire des végétaux, une optimisation de l’assimilation du phosphore, et donc une optimisation du développement et du rendement de la culture.

Elles ont par ailleurs bien d’autres propriétés, liées à leur nature de micro-organismes vivants, qui sont aussi bénéfiques pour les plantes : production de phytohormones, structuration du sol, amélioration de l’activité microbiologique du sol, etc.

 

Enfin, leur statut d’organisme vivant ne les empêche pas d’être combiné à des engrais phosphatés starter, pour obtenir un effet optimisé d’accélération des premières phases de développement d’une culture.

 

Les bactéries qui solubilisent et minéralisent le phosphore ont la particularité de pouvoir rendre sous une forme disponible pour la plante les réserves en phosphore présente dans le sol, jusqu’alors indisponibles. Leurs actions permet de libérer des phosphates solubles assimilables par les racines, de manière totalement naturelle. L’apport d’engrais phosphaté peut ainsi être limité, tout en bénéficiant des effets du phosphore, indispensable dans les premiers stades de développement de la plante (croissance racinaire, assimilation des nutriments, résistance aux stress…)